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2008, Cahiers de littérature orale
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Enquêter sur la littérature orale, c'est avant tout contribuer à la construction d'interactions que l'on classe dans la catégorie « littérature orale » et qu'il s'agit de penser en tant que co-constructions qui se développent dans un contexte particulier. Cette affirmation me permet de mettre l'accent sur l'aspect dialogique qui existe, sous forme implicite, dans tout discours de littérature orale. Dans les récits de griots généalogistes songhay-zarma par exemple, on s'aperçoit que si ceux-ci ont le monopole de la parole, ils s'adressent pourtant bien à un destinataire, direct ou indirect, avec lequel ils établissent un dialogue implicite. Si cette fonction dialogique du discours est essentielle à la production du sens, sa prise en compte est, par voie de conséquence, indispensable à sa compréhension. Or cela implique de considérer le contexte de production dans son ensemble : qui énonce et qui reçoit le discours, dans quel cadre et dans quelles circonstances. Mais aussi quel type d'échange se met en place et quels en sont les destinataires, primaires ou secondaires. C'est bien sûr toujours l'auditoire « traditionnel » de l'énonciateur, mais lorsqu'un chercheur assiste à la prestation, il est important de considérer que sa présence est de nature à modifier l'interaction, puisqu'une partie au moins du discours lui est destinée. Cette part est soumise à variation suivant l'identité de l'observateur, mais aussi de ses antécédents relationnels avec les participants ou le rôle social qu'on lui attribue. Ainsi le chercheur, par sa simple présence, participe de fait à l'interaction verbale, et l'on peut alors affirmer qu'il la coproduit, avec les détenteurs d'un répertoire oral, comme avec le reste de l'auditoire, dans des contextes particuliers qu'il s'agit de décrire. Mais le concept de contexte est en lui-même problématique et, depuis quelques années, sa représentation comme statique et préexistant à l'interprétation est remise en question tant en anthropologie qu'en analyse des discours. Les réflexions récentes montrent qu'il est désormais nécessaire de le percevoir dans sa dynamique, c'est-à-dire comme le résultat d'une interprétation. Qu'impliquent alors ces nouvelles représentations du contexte sur les pratiques d'enquêtes en littérature orale ? C'est ce Histoires de contextes Cahiers de littérature orale, 63-64 | 2008 que je m'efforcerai d'examiner ici à partir d'exemples tirés de mes expériences chez les Songhay-Zarma 1 du Niger. De l'art de tisser des liens L'étymologie même du mot « contexte » nous met sur la piste d'une conception dynamique : celui-ci vient, en effet, du latin contextus et contexere signifiant respectivement « assemblage » et « tisser avec ». Contextualiser correspondrait ainsi à l'action de mettre en relation. Ceci renvoie, en anthropologie, à ce qu'écrit Dilley (1999, 39), lorsqu'il montre que pour résoudre : the problem in delimiting the extent of the domain indicated by «context», one possible line of approach is to think of context in terms of «connection». Context too involves making connections and, by implication, disconnections. A phenomenon is connected to its surroundings. En analyse des discours, Charaudeau et Maingueneau (2002, 135) développent l'aspect construit de la relation, montrant que : le discours est une activité tout à la fois conditionnée (par le contexte) et transformatrice (de ce même contexte) ; donné à l'ouverture de l'interaction, le contexte est en même temps construit dans et par la façon dont celle-ci se déroule ; définie d'entrée, la situation est sans cesse redéfinie par l'ensemble des événements discursifs. Ces réflexions m'amènent à décrire trois principaux types de relations dont il me semble devoir tenir compte pour évaluer l'impact du « contexte » sur la performance de l'énonciateur 2 de littérature orale et sur les analyses du chercheur : relations entre le chercheur et son « terrain » 3 ; relations au sein de la situation de communication (correspondant à la performance) ; relations entre une performance particulière et les performances précédentes. Cette classification « durcie » pour les besoins de l'article doit, toutefois, être relativisée ; elle est provisoire et ne prétend à aucune exhaustivité. Relations entre le chercheur et son « terrain » Parler du « contexte », ce n'est pas seulement décrire les représentations des « contextes socioculturels » dans lesquels vivent les différents interlocuteurs du chercheur et celles des situations de communication 4 liées aux discours analysés. Cela implique aussi de prendre en compte ce qui a amené un chercheur à étudier cette littérature orale particularités, les relations qui lient celui-ci aux habitants du « terrain » dans lequel il enquête et ce qu'elles impliquent (notamment sur les analyses qui en découlent). Une recherche aux dimensions intersubjectives et émotionnelles Si je devais évoquer les origines premières de ma recherche sur la littérature orale songhay-zarma, il me faudrait remonter bien au-delà de mes études universitaires. C'est en effet dans l'enfance qu'ont eu lieu mes premiers contacts avec l'Afrique noire et l'oralité. Les contes d'abord que mon père et ma grand-mère me racontaient le soir m'ont fait rêver dès mon plus jeune âge, puis les aventures de mon cousin au Tchad,
Littérature, 2019
Le « contexte », un intrus dans l'histoire littéraire. Textes et contextes. Il faut commencer par un truisme. Bien entendu, la notion de « contexte » appelle immédiatement celle de « texte », avec laquelle elle forme un attelage conceptuel cohérent et heuristiquement fécond. « Textes et contextes » : dans les années quatre-vingt, ce fut le nom d'une collection de manuels scolaires qui, sous la signature de Christian Biet, Jean-Paul Brighelli et Jean-Luc Rispail, a fait date aux éditions Magnard ; en ajoutant aux commentaire des « grands textes » du Panthéon scolaire une ensemble de lectures complémentaires, elle voulait concurrencer la célèbre collection des « Lagarde et Michard », qui jouissait alors d'un monopole de fait dans l'enseignement secondaire et qui se contentait de présenter une sélection étroite d'extraits choisis dans les oeuvres des auteurs canoniques. À la même époque, Henri Mitterand, aux éditions Nathan, lançait d'ailleurs une collection comparable, sous l'intitulé « textes et documents »-la différence entre les mots « textes » et « documents » servant ici à marquer clairement la frontière qui continuait à séparer le canonique et le non-canonique. « Textes et contextes » : c'est enfin le titre d'une revue qui, à l'université de Bourgogne, réunit les spécialistes de langues, littératures et civilisation étrangères, dans une perspective résolument pluridisciplinaire. Car la notion de contexte est la notion à laquelle on recourt spontanément chaque fois qu'il s'agit d'historiciser la lecture des textes, de sortir le texte de son splendide isolement et d'opérer une brèche dans sa clôture sacrée. Mais on oublie le plus souvent que cet usage lexical, qui nous est devenu si naturel, résulte d'un véritable détournement de sens. En effet, le « contexte » désigne traditionnellement, selon le dictionnaire de l'Académie dont je cite ici la sixième édition (1835), « le texte d'un acte public ou sous seing privé » et, plus précisément, « l'ensemble que forment par leur liaison mutuelle les différentes dispositions ou clauses dont un acte est composé ». À la suite, le dictionnaire propose une définition élargie : « Il se dit, par extension, d'un texte quelconque, considéré surtout par rapport à l'ensemble d'idées qu'il présente, ou au sens que certains passages empruntent de ce qui les précède ou de ce qui les suit ». On notera donc, d'une part que le « contexte » renvoie plutôt au domaine du droit (où il est nécessaire de comprendre l'esprit qui se cache derrière la lettre du texte juridique), d'autre part que le contexte n'est rien d'autre que le texte, considéré comme l'ensemble concaténé des éléments textuels, dont il importe de comprendre la signification globale. Le Littré, dans ses deux éditions de 1872 et de 1877, ne connaît toujours pas d'autre signification : le « contexte » y est défini soit comme « l'ensemble d'un acte par rapport à l'enchaînement des dispositions et des clauses », soit comme « l'enchaînement d'idées qu'un texte présente ». Et la 8 ème édition du Dictionnaire de l'Académie, en 1932, ne voit toujours dans le « contexte » que l'« ensemble que forment, par leur liaison naturelle, les différentes parties d'un texte ». Cependant, le TLF enregistre une nouvelle signification, apparue selon ses relevés en 1869 à la faveur d'une traduction de Kant où figure le mot allemand « context » et confirmée par une citation du Côté de Guermantes (1920) : le « contexte » désigne cette fois, selon la définition proposée par le TLF,
je pensai que l'histoire n'était pas la même partout. En certains lieux, elle est chargée de messages, de traces déchiffrables. En d'autres, elle semble avare d'enseignements, comme si elle invitait à décoder la nature même, ou encore les signes inscrits au fond des âmes. » Madeleine Gagnon, Le Vent majeur
Cahiers De Litterature Orale, 2008
Enquêter sur la littérature orale, c'est avant tout contribuer à la construction d'interactions que l'on classe dans la catégorie « littérature orale » et qu'il s'agit de penser en tant que co-constructions qui se développent dans un contexte particulier. Cette affirmation me permet de mettre l'accent sur l'aspect dialogique qui existe, sous forme implicite, dans tout discours de littérature orale. Dans les récits de griots généalogistes songhay-zarma par exemple, on s'aperçoit que si ceux-ci ont le monopole de la parole, ils s'adressent pourtant bien à un destinataire, direct ou indirect, avec lequel ils établissent un dialogue implicite. Si cette fonction dialogique du discours est essentielle à la production du sens, sa prise en compte est, par voie de conséquence, indispensable à sa compréhension. Or cela implique de considérer le contexte de production dans son ensemble : qui énonce et qui reçoit le discours, dans quel cadre et dans quelles circonstances. Mais aussi quel type d'échange se met en place et quels en sont les destinataires, primaires ou secondaires. C'est bien sûr toujours l'auditoire « traditionnel » de l'énonciateur, mais lorsqu'un chercheur assiste à la prestation, il est important de considérer que sa présence est de nature à modifier l'interaction, puisqu'une partie au moins du discours lui est destinée. Cette part est soumise à variation suivant l'identité de l'observateur, mais aussi de ses antécédents relationnels avec les participants ou le rôle social qu'on lui attribue. Ainsi le chercheur, par sa simple présence, participe de fait à l'interaction verbale, et l'on peut alors affirmer qu'il la coproduit, avec les détenteurs d'un répertoire oral, comme avec le reste de l'auditoire, dans des contextes particuliers qu'il s'agit de décrire. Mais le concept de contexte est en lui-même problématique et, depuis quelques années, sa représentation comme statique et préexistant à l'interprétation est remise en question tant en anthropologie qu'en analyse des discours. Les réflexions récentes montrent qu'il est désormais nécessaire de le percevoir dans sa dynamique, c'est-à-dire comme le résultat d'une interprétation. Qu'impliquent alors ces nouvelles représentations du contexte sur les pratiques d'enquêtes en littérature orale ? C'est ce Histoires de contextes Cahiers de littérature orale, 63-64 | 2008 que je m'efforcerai d'examiner ici à partir d'exemples tirés de mes expériences chez les Songhay-Zarma 1 du Niger. De l'art de tisser des liens L'étymologie même du mot « contexte » nous met sur la piste d'une conception dynamique : celui-ci vient, en effet, du latin contextus et contexere signifiant respectivement « assemblage » et « tisser avec ». Contextualiser correspondrait ainsi à l'action de mettre en relation. Ceci renvoie, en anthropologie, à ce qu'écrit Dilley (1999, 39), lorsqu'il montre que pour résoudre : the problem in delimiting the extent of the domain indicated by «context», one possible line of approach is to think of context in terms of «connection». Context too involves making connections and, by implication, disconnections. A phenomenon is connected to its surroundings. En analyse des discours, Charaudeau et Maingueneau (2002, 135) développent l'aspect construit de la relation, montrant que : le discours est une activité tout à la fois conditionnée (par le contexte) et transformatrice (de ce même contexte) ; donné à l'ouverture de l'interaction, le contexte est en même temps construit dans et par la façon dont celle-ci se déroule ; définie d'entrée, la situation est sans cesse redéfinie par l'ensemble des événements discursifs. Ces réflexions m'amènent à décrire trois principaux types de relations dont il me semble devoir tenir compte pour évaluer l'impact du « contexte » sur la performance de l'énonciateur 2 de littérature orale et sur les analyses du chercheur : relations entre le chercheur et son « terrain » 3 ; relations au sein de la situation de communication (correspondant à la performance) ; relations entre une performance particulière et les performances précédentes. Cette classification « durcie » pour les besoins de l'article doit, toutefois, être relativisée ; elle est provisoire et ne prétend à aucune exhaustivité. Relations entre le chercheur et son « terrain » Parler du « contexte », ce n'est pas seulement décrire les représentations des « contextes socioculturels » dans lesquels vivent les différents interlocuteurs du chercheur et celles des situations de communication 4 liées aux discours analysés. Cela implique aussi de prendre en compte ce qui a amené un chercheur à étudier cette littérature orale particularités, les relations qui lient celui-ci aux habitants du « terrain » dans lequel il enquête et ce qu'elles impliquent (notamment sur les analyses qui en découlent). Une recherche aux dimensions intersubjectives et émotionnelles Si je devais évoquer les origines premières de ma recherche sur la littérature orale songhay-zarma, il me faudrait remonter bien au-delà de mes études universitaires. C'est en effet dans l'enfance qu'ont eu lieu mes premiers contacts avec l'Afrique noire et l'oralité. Les contes d'abord que mon père et ma grand-mère me racontaient le soir m'ont fait rêver dès mon plus jeune âge, puis les aventures de mon cousin au Tchad,
Le français en contextes, 2017
La mise en relief : une notion floue Les familles paraphrastiques Les niveaux de la signification Les procédés de « mise en relief » Conclusion Complément (d'objet) indirect, complément circonstanciel et complément de phrase dans les grammaires contemporaines
En mai 1796 Bonaparte après avoir vaincu les autrichien à Lodi entre à Milan et les « patriotes » de la Lombardie le voient comme un libérateur. Résultat direct de la victoire française : la création progressive tout au long de la péninsule des républiques appelées « soeurs » en suivant l'exemple de la république Batave déjà crée en 1795. En Lombardie fut créé la république transpadane (au-delà du Pô), qui, en 1797 après sa fusion avec la république cispadane donne lieu à la république cisalpine. Avec les républiques Ligurienne (1797), Romaine (1978) et celle de Naples appelée Parthénopéenne (1799), elles constituent des Länder directement attachés au Directoire. Pour le Directoire, la construction des petites républiques est un choix conscient « pour couvrir se frontières et offrir des débouchés économiques à la Grande Nation » 1. Pour les « patriotes 2 » italiens favorables aux idées républicaines, la création de ces petites républiques signifiait-dans la plupart de cas-le prodrome potentiel de la création d'un état républicain Italien. Le vide de souveraineté que provoque la victoire des Français et les libertés garanties par le nouveau statut du citoyen offrent l'opportunité de diffuser ces idées, censurées sous l'ancien régime. L'enthousiasme de ces premiers instants aura une courte durée. 3 Mais, malgré sa courte durée, cette période du Triennat Républicain (1796-1799) était celle laquelle pendent l'idée de l'unité nationale a été élaborée et exprimée de manière systématique. Une unité qui va de pair avec la rupture avec l'ancien régime et la revendication d'une constitution italienne. 4 Toutefois, l'influence populaire des idées républicaines ne dépasse pas les limites de l'intelligentsia dite jacobine 5 l'action politique de laquelle dépend de la force des baïonnettes françaises. Napoléon semble tolérant-au moins au début de la présence française en Lombardie-aux idées unitaires radicales. Dans sa lettre au Directoire le 28 Décembre 1796, il écrit : 1 Jacques Godechot, La grande Nation, Aubier Montaigne, Paris,1983, p.85 2 Le terme « Patriotes » indique les bourgeois engages en faveur idées révolutionnaires et républicains, qui tant dans la bibliographie que dans les sources de l'époque apparaissaient aussi comme « jacobins » et « anarchistes ». 3 « La joie folle, la gaieté, la volupté, l'oubli de tous les sentiments tristes, ou seulement raisonnables, furent poussés à un tel point, depuis le 15 mai 1796, que les Français entrèrent à Milan, jusqu'en avril 1799, qu'ils en furent chassés à la suite de la bataille de Cassano, que l'on a pu citer de vieux marchands millionnaires, de vieux usuriers, de vieux notaires qui, pendant cet intervalle, avaient oublié d'être moroses et de gagner de l'argent. » Stendhal, La Chartreuse de Parme, Bibelio p.18 4 L'Idéal d'une république deviendra réalité seulement en 1941 ! 5 Le terme est anachronique car au moment de la constitution des « Républiques soeurs » Thermidor est déjà passé et le Club des jacobines fermée.
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Presses du Septentrion, 2018
Documentaliste-Sciences de l'Information, 2013
La Revue pour l’histoire du CNRS, 2007
Contextes et didactiques
Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2003
L'Homme et la société, 2011
Journal of French Language Studies, 2002
Intellectica. Revue de l'Association pour la Recherche Cognitive, 2002
Atteindre l’histoire de la forêt de Compiègne par la télédétection aérienne et l’exploration des archives du sol, 2017