Anouck Cape
https://anouckcape.wordpress.com/
less
Related Authors
Camille Veit
Université Rennes 2
Kéren Alcântara
Université Sorbonne Paris Nord / Sorbonne Paris Nord University
hugues henri
Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne
Mireille Berton
University of Lausanne
Olivier JOUAN
Université Paris 8
jean charles Haute
Université de Nantes
Uploads
Papers by Anouck Cape
d’aliénés dans un livre de littérature ? La première moitié du
XXe siècle a vu s’effectuer la légitimation culturelle d’un type de textes très spécifique : les écrits pathologiques d’aliénés « délirants ». Perçus, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, comme du matériel clinique de première importance quant à l’établissement d’un diagnostic, ces textes, collectés, retranscrits, cités et commentés par les psychiatres dans diverses publications spécialisées ont peu à peu rencontré un autre public, étranger à la sphère médicale, qui leur a conféré le statut d’oeuvres littéraires – les fous du XIXe siècle venant ainsi
hanter l’imaginaire du XXe. J’apporte ici quelques éléments nécessaires à la compréhension de ce glissement catégoriel majeur qui permet de saisir à la fois l’évolution des mentalités dans leur appréhension de la folie, et celle de la littérature au moment où elle tente de redéfinir ses propres frontières.
textes de fous – Françoise Levaillant souligne que cet intérêt pour
leurs écrits a précédé celui pour leurs productions plastiques1. Il s’agit
principalement, de la part des psychiatres, d’un intérêt diagnostique :
l’écrit a valeur de témoignage, il fonde le diagnostic avec autant de
légitimité que l’observation directe du sujet. C’est par ce biais que les
médecins ont été amenés à s’interroger sur la créativité dans la folie. Si
éloignées de l’art brut que semblent ces préoccupations, ces études
présentent pourtant avec lui de réels points communs au niveau
idéologique, et elle permettent de mettre en évidence des points de
convergence dans ce qu’on appelait alors « l’art des aliénés ». Certaines
représentations tenaces, comme l’idée que la folie décuplerait la
créativité des malades, sont directement issues des travaux
psychiatriques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, et on se
propose ici, à travers quelques textes psychiatriques représentatifs, de
montrer cette filiation.
le champ du savoir sur la folie. De la science à l’art, chacune représente
alors pour l’autre l’espace d’un non-savoir, dont le fou est le pivot.
Cet article explore l’espace de ces contestations réciproques. Comment la
psychiatrie a-t-elle dénié toute connaissance à la littérature ? Par quelles
figures de la folie la littérature a-t-elle tenté de reconquérir une forme d’efficacité
discursive ? Comment le savoir de l’une constitue-t-il, précisément,
le non-savoir de l’autre ? Lanson, en 1895, analysait les relations entre littérature
et science au XIXe siècle dans le sens d’un assujettissement de la
première à la seconde 1. Cette dépossession est particulièrement sensible
dans le cas du discours sur la folie que se sont disputé la psychiatrie (alors
appelée aliénisme) et la littérature.
d’aliénés dans un livre de littérature ? La première moitié du
XXe siècle a vu s’effectuer la légitimation culturelle d’un type de textes très spécifique : les écrits pathologiques d’aliénés « délirants ». Perçus, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, comme du matériel clinique de première importance quant à l’établissement d’un diagnostic, ces textes, collectés, retranscrits, cités et commentés par les psychiatres dans diverses publications spécialisées ont peu à peu rencontré un autre public, étranger à la sphère médicale, qui leur a conféré le statut d’oeuvres littéraires – les fous du XIXe siècle venant ainsi
hanter l’imaginaire du XXe. J’apporte ici quelques éléments nécessaires à la compréhension de ce glissement catégoriel majeur qui permet de saisir à la fois l’évolution des mentalités dans leur appréhension de la folie, et celle de la littérature au moment où elle tente de redéfinir ses propres frontières.
textes de fous – Françoise Levaillant souligne que cet intérêt pour
leurs écrits a précédé celui pour leurs productions plastiques1. Il s’agit
principalement, de la part des psychiatres, d’un intérêt diagnostique :
l’écrit a valeur de témoignage, il fonde le diagnostic avec autant de
légitimité que l’observation directe du sujet. C’est par ce biais que les
médecins ont été amenés à s’interroger sur la créativité dans la folie. Si
éloignées de l’art brut que semblent ces préoccupations, ces études
présentent pourtant avec lui de réels points communs au niveau
idéologique, et elle permettent de mettre en évidence des points de
convergence dans ce qu’on appelait alors « l’art des aliénés ». Certaines
représentations tenaces, comme l’idée que la folie décuplerait la
créativité des malades, sont directement issues des travaux
psychiatriques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, et on se
propose ici, à travers quelques textes psychiatriques représentatifs, de
montrer cette filiation.
le champ du savoir sur la folie. De la science à l’art, chacune représente
alors pour l’autre l’espace d’un non-savoir, dont le fou est le pivot.
Cet article explore l’espace de ces contestations réciproques. Comment la
psychiatrie a-t-elle dénié toute connaissance à la littérature ? Par quelles
figures de la folie la littérature a-t-elle tenté de reconquérir une forme d’efficacité
discursive ? Comment le savoir de l’une constitue-t-il, précisément,
le non-savoir de l’autre ? Lanson, en 1895, analysait les relations entre littérature
et science au XIXe siècle dans le sens d’un assujettissement de la
première à la seconde 1. Cette dépossession est particulièrement sensible
dans le cas du discours sur la folie que se sont disputé la psychiatrie (alors
appelée aliénisme) et la littérature.